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Ouvrage public mal planté ne se détruit pas…si l’expropriation du terrain est envisagée !

Public - Droit public général
05/03/2020
Dans un arrêt rendu le 28 février, le Conseil d’État déclare que la possibilité de régulariser un ouvrage public irrégulièrement implanté ne peut être déduite de la simple possibilité d’exproprier le terrain d’assiette. Pour que l’ouvrage soit maintenu, l’expropriation doit être réellement envisagée.
Des particuliers demandaient la démolition ou le déplacement d’un transformateur appartenant à ENEDIS et implanté sur leur terrain et avaient obtenu gain de cause devant le tribunal administratif. Après annulation du jugement par la cour administrative d’appel, les propriétaires du terrain se pourvoient en cassation.
 
Bilan coût/avantages
 
Dans son arrêt, le Conseil d’État, reprenant les principes déjà énoncés par les juges d’appel, rappelle que le juge saisi d’une demande d’exécution d’une décision déclarant qu’un ouvrage public a été irrégulièrement implanté doit rechercher en premier lieu, si une régularisation appropriée est possible. Si tel n’est pas le cas, le juge doit faire un bilan coût/avantages, permettant de déterminer si l’enlèvement de l’ouvrage n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général, et doit pour cela prendre en compte :
  • d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, et notamment pour le propriétaire du terrain ;
  • d’autre part, les conséquences de l’enlèvement pour l’intérêt général.
 
En l’espèce, la cour administrative d’appel avait jugé que la régularisation était possible. Son argumentation tenait au fait que la société Enedis pouvait faire déclarer l’ouvrage d’utilité publique, et ainsi obtenir la propriété du terrain par la voie de l’expropriation.
 
Ouvrage d’utilité publique
 
Cependant, cette expropriation était plus qu’incertaine. L’arrêt d’appel rappelle en effet que le transformateur, directement affecté à l’exécution d’un service public, a le caractère d’un ouvrage public, et qu’ainsi « même si (les propriétaires du terrain) ne sont pas disposés à signer une convention instaurant une servitude au profit de la société ou à lui vendre la parcelle correspondante, la société Enedis n’est pas dans l’impossibilité de faire déclarer cet ouvrage d’utilité publique, compte tenu de l’intérêt général qui s’y attache et d’obtenir la propriété de son terrain d’assiette par voie d’expropriation ».
 
Ainsi, pour la cour d’appel, la possibilité d’expropriation était déduite de l’absence d’impossibilité de faire déclarer l’ouvrage d’utilité publique. Cette possibilité semble donc assez lointaine et très peu probable.
 
Mais, pour les juges d’appel, le seul fait qu’une expropriation soit théoriquement possible, voire pas impossible, rendait la régularisation possible. C’est ainsi qu’ils en avaient déduit qu’il n’y avait pas lieu de faire déplacer l’ouvrage.

Expropriation envisagée
 
Ce n’est cependant pas de l’avis du Conseil d’État, qui se montre beaucoup plus sévère sur la notion de « possibilité de régulariser ». Selon la Haute cour, les juges d’appel auraient dû « rechercher si une procédure d’expropriation avait été envisagée et était susceptible d’aboutir », et non seulement si elle était possible du fait du caractère d’utilité publique de l’ouvrage.
 
 
Pour en savoir plus sur la possibilité de régulariser un ouvrage public implanté irrégulièrement, v. Le Lamy Droit public des affaires n° 3245.
 
Source : Actualités du droit