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Pouvoir du Cordis d'enjoindre à un opérateur de conclure une convention ou de la modifier afin de fixer les modalités d'accès au réseau

Environnement & qualité - Environnement
03/07/2019

► En application des dispositions de l'article L. 134-20 du Code de l'énergie (Numéro Lexbase : L6001LCA), le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie (Cordis) dispose, dans l'exercice de sa mission de règlement des différends, du pouvoir d'imposer des prescriptions et des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l'exécution des conventions, de sorte qu'il a le pouvoir d'enjoindre à un opérateur de conclure une convention ou de la modifier afin de fixer les modalités d'accès au réseau si, en vue de résoudre un différend, une telle décision est nécessaire pour permettre l'accès au réseau ou pour fixer les conditions de son utilisation, sous réserve de respecter les prescriptions d'objectivité, de transparence, de non-discrimination et de proportionnalité.

Tel est le principal enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 19 juin 2019 (Cass. com., 19 juin 2019, n° 17-20.269, FS-P+B Numéro Lexbase : A2893ZGA).

En l’espèce, la société BCN ayant pour activité la production d'électricité et de vapeur à partir d'installations de cogénération, a été sélectionnée, à la suite d'un appel d'offres portant sur des installations de production d'électricité à partir de la biomasse, pour mettre en place une telle installation sur le site industriel de la société Saipol. La centrale biomasse est raccordée au réseau électrique privé de la société Saipol, elle-même raccordée au réseau public de transport d'électricité. La société BCN a conclu avec la société EDF un contrat d'obligation d'achat et, avec la société Réseau de transport d'électricité (la société RTE), un contrat de prestations annexes en décompte pour bénéficier d'un service de comptage de l'énergie fournie à la société EDF. Ce décompte repose sur une formule consistant à appliquer à la quantité mesurée un coefficient correcteur dit «de perte», correspondant à la déperdition d'électricité entre le point de comptage situé en sortie de centrale et la limite entre le réseau privé et le réseau public qui constitue le point de connexion.

Faisant valoir que la production de la centrale, vendue en totalité à la société EDF, était, en réalité, consommée intégralement par la société Saipol qui la recevait via son réseau privé, sans injection sur le réseau public de transport, de sorte qu'il n'y avait pas de déperdition, la société BCN a demandé à la société RTE de constater qu'il n'y avait pas lieu à correction des données de comptage relevées à la sortie de la centrale, et de supprimer le coefficient de perte dans le contrat de prestations annexes. La société RTE s'y est opposée au motif que la société BCN ne vendait pas directement l'énergie à la société Saipol de sorte qu'il importait peu que cette énergie soit consommée à l'intérieur du site privé. La société BCN ayant soumis le différend au Cordis, ce dernier a, le 7 septembre 2015, décidé que la société RTE communiquerait à la société BCN une convention de raccordement pour l'installation de production indirectement raccordée au réseau public de transport d'électricité précisant, notamment, la localisation du point de livraison ainsi qu'un avenant au contrat de prestations annexes, intégrant, le cas échéant, les corrections à apporter à la puissance et l'énergie électrique fournies à la société EDF. La société RTE a formé un recours contre cette décision. L’arrêt d’appel ayant rejeté le recours, la société RTE a formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation, énonçant la solution précitée retient donc, d’abord, que le Codis avait le pouvoir d'enjoindre à un opérateur de conclure une convention ou de la modifier. Elle approuve, ensuite, l’arrêt d’appel d’avoir déduit d’un ensemble d’éléments que la société RTE était tenue de définir, en accord avec le producteur de l'installation indirectement raccordée et l'acheteur obligé, le point de livraison. Enfin, la Haute juridiction rappelle qu’aux termes du décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 (Numéro Lexbase : L8785H3R), en vigueur à la date de la décision attaquée, il est établi une convention de raccordement et une convention d'exploitation pour une installation de production correspondant à un site exploité par un même producteur (art. 2-I) et la convention de raccordement établie entre le producteur et le gestionnaire du réseau public d'électricité définit le point de livraison (art. 9-I) ; dès lors la cour d'appel a pu en déduire que, pour définir ce point de livraison, nécessaire à la détermination d'un éventuel coefficient de perte par le contrat de prestations annexes et au calcul du volume d'énergie facturé à la société EDF, la société RTE était tenue de conclure une convention de raccordement avec la société BCN.

 

Vincent Téchené

Source : Actualités du droit