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Marché public de services portant sur une prestation d’étude juridique attribué à une société de conseil non habilitée : le TA de Nîmes annule la procédure

Public - Droit public des affaires
16/05/2019
Doit être annulée la procédure de passation d’un marché public de services portant sur une prestation d’étude juridique attribué à une société dont la qualification accordée par l'organisme professionnel de qualification des conseils en management ne l'autorisait à effectuer des consultations juridiques qu’à titre accessoire de son activité principale.

La chambre d'agriculture du Vaucluse a lancé un appel d'offre en vue de l'attribution d'un marché public de services portant sur une « prestation d'étude juridique dans le cadre coopératif de la gestion de l’eau agricole – Émergence de la maîtrise d'ouvrage ». Une Selarl d'avocats avait été informée par la chambre d'agriculture que son offre n'avait pas été retenue et que l'attributaire du marché était une société de conseil, seule autre société ayant déposé une offre. Par sa requête, la Selarl contestait la procédure de passation du marché en cause et demandait l'annulation de la décision d'attribution du marché à la société et qu'il soit enjoint à la chambre d'agriculture de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres.

L’intervention du Conseil national des barreaux (CNB) est déclarée recevable par le tribunal.

Le tribunal note, ensuite, qu’il résulte des détails de chacune des missions que le marché en litige s'il porte pour partie sur des aspects techniques relatifs à la connaissance de l'irrigation agricole et à l'économie de projet, s'appuie néanmoins sur les études techniques déjà réalisées en matière de besoins en eau agricole sur le territoire et des aménagements hydrauliques envisagés et comprend une part prépondérante de conseil juridique personnalisé en matière d'analyse des structures juridiques envisageables et existantes sur le territoire ou à créer et de «gouvernance» de cette structure, portant ainsi notamment sur les aspects de montages juridiques et institutionnels, et de rédaction de statuts.

Par ailleurs, il résulte de l’offre présentée par la société qu’elle a prévu de consacrer 43 jours à l'exécution du marché en y affectant sept personnes, et mentionne une répartition par fonction faisant intervenir un « chef de mission et expert organisation » pour 21 jours, deux juristes, pour 14 jours, un spécialiste en finances pour 4,5 jours et un spécialiste en animation pour 3,5 jours. Cette mission doit ainsi faire intervenir quatre spécialistes, le chef de mission n'ayant qu'un rôle de négociateur et de manager, et, en l'absence de précision sur la réparation du volume des interventions entre le chef de mission et l'expert ou les experts en organisation, évalués globalement à 21 jours, la mission doit être regardée comme se caractérisant par le rôle prépondérant des juristes dont la durée d'intervention prévue est supérieure à celles des spécialistes en organisation, finances et en animation.

Par suite, la mission objet du contrat relève principalement d'une activité de consultation juridique et ne pouvait être confiée qu'à l’une des personnes mentionnées aux articles 54 et 56 de la loi du 31 décembre 1971. Ainsi, alors même qu'en vertu des dispositions des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971, la société attributaire justifiait d'une qualification accordée par l'organisme professionnel de qualification des conseils en management notamment sur ses activités de management de projets et d'approche globale des organisations, cet agrément ne l'autorisait à effectuer des consultations juridiques qu’à titre accessoire de son activité principale.

Dès lors, la société est fondée à soutenir que l'offre de la société était irrégulière et aurait dû, en application des dispositions précitées de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, être éliminée. Ce manquement aux obligations de mise en concurrence, qui se rapporte à la phase de sélection des offres, est, par suite, susceptible d'avoir lésé la société requérante dès lors qu'il ne résulte pas de l’instruction que son offre aurait due elle-même être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable.

Par Marie Le Guerroué

Source : Actualités du droit