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Politique de prévention des infections associées aux soins : « peut mieux faire » selon la Cour des comptes

Public - Santé
13/02/2019
Entre le constat d’une politique publique qui a atteint un palier et souffre de faiblesses majeures et celui de la nécessité de réorganiser l’action publique et de responsabiliser les acteurs du système de santé, la Cour des comptes formule plusieurs recommandations en vue d’améliorer l’efficacité de la lutte contre les infections associées aux soins (IAS).
Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2019, « une infection est dite associée aux soins (IAS) si elle survient au cours de la prise en charge d’un patient par un professionnel de santé, en médecine de ville, dans un établissement médico-social ou dans un établissement de santé (dans ce dernier cas, elle est qualifiée de nosocomiale) ». Après plusieurs constats chiffrés et l’identification des principales faiblesses de notre système de prévention, la Cour des comptes préconise à la fois une réorganisation de l’action publique et une responsabilisation des acteurs en la matière.
 

I. Les constats sur les IAS en France


Quelques chiffres. — Les actions mises en œuvre depuis plusieurs années ont certes permis une diminution, puis une stabilisation de la prévalence des patients infectés à l’hôpital, de l’ordre de 5 %. Mais environ 470 000 patients sont infectés par an et les IAS resteraient la cause directe, à l’hôpital, de 4 000 décès en France. Ces résultats sont donc encore insuffisants, d’autant que les chiffres n’ont plus diminué depuis 2006, après une baisse assez significative antérieurement.

Aujourd’hui, selon les résultats de l’enquête de prévalence menée en 2017, un patient hospitalisé sur 20 présente au moins une infection nosocomiale (Santé Publique France, 2018, Enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales et des traitements anti-infectieux en établissements de santé, France, mai-juin 2017). Rapportés à l’échelle européenne, les enquêtes de prévalences menées par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) montrent qu’en 2017, la France, avec un taux de 5,8 %, se situait au-dessus de la moyenne européenne (5,5 %), là où, en 2012, la France se situait en deçà (5,1 %).

« Ces données montrent que des marges de progression existent et devraient inciter à renforcer les actions de prévention ».


Les faiblesses majeures. — Les objectifs de la politique publique de prévention des IAS ont été renouvelés en 2015 dans le cadre du programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (PROPIAS) https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/qualite-des-soins-et-pratiques/securite/propias/article/qu-est-ce-que-le-propias. Dans ce contexte, la Cour des comptes met l’accent sur deux axes prioritaires : les parcours de santé et l’antibiorésistance.

L’approche cloisonnée de la prévention des IAS est identifiée comme l’une des faiblesses majeures de la politique publique en la matière. En dépit de l’élargissement de la notion « d’infection nosocomiale » à celle « d’infection associée aux soins », pour y inclure le secteur médico-social et celui des soins de ville, la politique publique est restée centrée sur les établissements hospitaliers. L’une des pistes d’amélioration serait donc de se détacher du découpage institutionnel de l’offre de soins, en adoptant une approche plus globale, fondée sur le parcours de santé du patient (au cours donc de sa prise en charge dans les différents secteurs de l’offre de soins, qu’il s’agisse des établissements de santé, des établissements médico-sociaux ou des soins de ville).

Le second enjeu qui doit être appréhendé pour améliorer la prévention des IAS est lié à la lutte contre l’antibiorésistance. Le constat est le suivant : de trop nombreuses prescriptions d’antibiotiques ne sont pas pertinentes, avec pour conséquences l’accroissement du nombre des bactéries résistantes ou hautement résistantes. S’y ajoute, la réduction du nombre des antibiotiques mobilisables (l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) constatait, en 2017, une baisse de 20 % du nombre des substances disponibles entre 2000 et 2015. Pourtant, une baisse significative de la consommation avait été constatée après le lancement, en 2001-2005, de la campagne de communication « les antibiotiques, c’est pas automatique ! », mais suivie par une hausse les dix années suivantes. Or, au sein de l’Union, la France fait partie des « mauvais élèves » en se situant, en 2016, parmi les trois États les plus consommateurs, avec 30,3 doses journalières pour 1 000 habitants, soit une consommation par exemple trois fois supérieure à celle des Pays-Bas, « sans qu’aucune raison épidémiologique ne vienne expliquer cet écart ».

 

II. Une réorganisation de l’action publique à mener à bien


Selon la Cour des comptes, la lutte contre les infections associées aux soins est mieux structurée dans le champ des établissements hospitaliers et les actions mises en œuvre dans le secteur des soins de ville et, dans une moindre mesure, dans le secteur médico-social, ne sont pas assez développées. Amélioration de la surveillance hospitalière, extension des pratiques de signalement en dehors de l’hôpital et renforcement de la maîtrise du risque infectieux par l’ANSP sont autant de points à promouvoir.
 

« La réforme des vigilances sanitaires doit permettre de renforcer l’intensité de ces actions ; elle reste à parachever, au niveau régional, et, plus encore, national ».

 

1) Amélioration de la surveillance hospitalière


Un premier levier de réorganisation de l’action publique est identifié par la Cour des comptes en ce qui concerne l’amélioration de la surveillance hospitalière.
Dans ce cadre, il conviendrait d’abord de redimensionner et de recomposer les équipes opérationnelles d’hygiène (C. santé publ., art. L. 6144-1 et R. 6111-7). Les dispositions réglementaires applicables ne sont en effet, selon le constat de la Cour des comptes, « ni très exigeant[e]s », ni assez précises quant aux compétences qu’il faudrait voir représentées dans ces équipes. La Cour préconise donc « de redéfinir le dimensionnement et la composition des équipes d’hygiène pour tenir compte du volume et de la nature de l’activité de l’établissement et abandonner la référence peu opérante de "lits" ».

Il conviendrait ensuite d’améliorer le signalement des IAS. Actuellement, lorsque l’infection répond aux critères définis à l’article R. 1413-79 du Code de la santé publique (infection inattendue ou inhabituelle, cas groupés, décès), elle doit faire l’objet d’un signalement externe auprès des autorités publiques. Mais il s’avère que le signalement externe des infections nosocomiales n’est pas exhaustif au regard des critères réglementaires, du fait de l’absence de déclaration de certains établissements et d’une marge d’appréciation par les professionnels de santé dans l’interprétation des critères réglementaires de déclaration. Une forte interrogation sur la gestion de ce risque se pose d’autant plus que si le nombre de signalements a augmenté chaque année entre 2001 et 2016, seuls environ 700 établissements de santé sur près de 2 700 font au moins un signalement dans l’année. La Cour des comptes préconise de ce fait la mise en œuvre d’un suivi attentif de chacun des établissements non déclarants par l’Agence régionale de santé (ARS), « afin d’expliciter les raisons de cette abstention, cibler des actions d’accompagnement et de progrès et favoriser l’exhaustivité des signalements ».
 

2) Extension du signalement à la médecine de ville et dans les établissements médico-sociaux


Un deuxième levier de réorganisation de l’action publique est mis en exergue par la Cour des comptes en ce qui concerne le signalement en dehors de l’hôpital. La mise en place d’un portail commun de signalement des évènements sanitaires indésirables est soulignée (Signalement-sante.gouv.fr ; D. n° 2016-1151, 24 août 2016, JO 26 août ; Arr. 27 févr. 2017, NOR : AFSP1706241A, JO 7 mars ; Arr. 27 févr. 2017, NOR : AFSP1706243A, JO 7 mars), mais le circuit présente encore une certaine complexité et le partage d’information n’est pas encore optimal. Une amélioration pourrait se faire sentir grâce à la fourniture de données par les laboratoires de bactériologie de ville.

Ceci étant, la Cour des comptes constate surtout que le secteur de la ville « est encore peu impliqué dans la politique de prévention des infections associées aux soins, dans un contexte de relative méconnaissance du risque infectieux lié aux soins de ville ». Plus encore, ce risque serait même sous-estimé par certains professionnels de santé de ville, qui le considéraient comme peu important, voire nul. Une enquête de prévalence auprès des professionnels de santé libéraux en ville permettrait, dans ce cadre, de mieux cibler les actions à mettre en œuvre. La Cour des comptes observe également l’existence de « limites logistiques », qu’il faudrait surmonter, qu’il s’agisse de l’exercice isolé, de la dispersion des acteurs ou bien encore de l’absence d’outils simples pour les contacter et les mobiliser (absence d’annuaire, coopérations régionales peu abouties…).

Par ailleurs, en ce qui concerne le champ médico-social, la Cour des comptes relève également des obstacles à surmonter. Elle note les résultats d’une enquête menée en 2016 (PREV’EHPAD), que 2,9 % des résidents souffraient d’au moins une infection associée aux soins. Mais il exact que l’amélioration de la prise en compte du risque infectieux dans le secteur médico-social se heurte, d’une part, au fait que l’établissement médico-social est un lieu de vie dans lequel les contacts rapprochés entre les résidents et les personnels favorisent la transmission et que, d’autre part, les établissements médico-sociaux n’ont souvent pas la taille critique pour disposer de personnel affecté, à temps plein, à l’hygiène et à la prévention des IAS, dans le contexte plus général d’une faiblesse des effectifs médicaux et infirmiers. Au-delà de ce constat, la Cour des comptes relève que des mesures commencent à être mises en œuvre, parmi lesquelles l’instruction « PROPRIAS dans le secteur médico-social » du 15 juin 2016, invitant chaque établissement à mener d’ici fin 2018, une démarche d’évaluation du risque infectieux et d’élaboration d’un programme d’actions prioritaires (Instr. min. DGCS/SPA/2016/195, 15 juin 2016, NOR : AFSA1616507J). Certaines ARS ont aussi expérimenté le financement d’équipes mobiles d’hygiène, composées d’infirmières ou de professionnels de plusieurs disciplines, mutualisées entre établissements, afin de les aider à formaliser et à conduire leur politique de prévention des infections associées aux soins.
 

3) Renforcement de la maîtrise du risque infectieux


Le troisième levier de réorganisation de l’action publique en matière de prévention des IAS consisterait à renforcer la vigilance sanitaire en la matière. Depuis la réforme des vigilances sanitaires opérée par la loi de modernisation de notre système de santé (L. n° 2016-41, 26 janv. 2016, JO 27 janv.), les ARS sont positionnées comme les responsables régionaux de l’organisation et de la couverture territoriale des vigilances sanitaires, y compris celle des infections associées aux soins, les cinq centres interrégionaux de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN) et leurs antennes ayant été transformés en 17 centres de prévention des infections associées aux soins (CPIAS ; D. n° 2017-129, 3 févr. 2017, JO 5 févr.). Néanmoins, les CPIAS auraient dû être constitués au 1er juillet 2017, tandis que leur mise en place institutionnelle s’est avérée difficile et restait encore inachevée au printemps 2018. La Cour des comptes observe à cet égard qu’« une plus grande lisibilité de la politique du ministère aurait permis aux établissements supports de mieux anticiper les évolutions à mener ».

Dans le prolongement, la Cour des comptes souligne la création de l’Agence nationale de santé publique (ANSP ou « Santé publique France » ; D. n° 2016-523, 27 avr. 2016, JO 29 avr.), qui a choisi de confier à quelques CPIAS, le portage de certaines de ses missions de surveillance et d’expertise (C. santé publ., art. R. 1413-86). Mais dans ce schéma, « qui contredit partiellement l’ambition initiale de l’homogénéisation des CPIAS et du renforcement du rôle de l’État, l’échelon national risque de se priver d’un levier du pilotage stratégique de la lutte contre les infections associées aux soins ». En outre, l’ANSP ne coordonne pas l’exercice des missions réglementaires des CPIAS, « sans que l’on sache précisément, pour autant, si ce rôle est effectivement assumé par les directions du ministère de la Santé ».

Il en ressort, pour la Cour des comptes, la nécessité de renforcer le rôle de l’Agence nationale de santé publique : il s’agirait d’investir Santé Publique France d’une mission de coordination de l’ensemble des missions des CPIAS, notamment en lui confiant l’ensemble des financements et la maîtrise d’ouvrage des outils nationaux les plus pertinents (de communication, de surveillance, de documentation, etc.), déjà développés et financés par des fonds publics.
 
 

III. Responsabiliser les acteurs du système de santé


En sus d’une réorganisation de la politique publique en matière de prévention et de lutte contre les IAS, le deuxième champ d’action identifié par la Cour des comptes est une responsabilisation des acteurs du système de santé, ce besoin se faisant « clairement ressentir ». Trois axes d’action pour prévenir les infections associées aux soins sont dessinés par la Cour des comptes à ce titre : l’amélioration des pratiques professionnelles, la lutte contre la surconsommation d’antibiotiques et la sanction des mauvaises pratiques avérées.
 

1) Amélioration des pratiques professionnelles


D’abord, il conviendrait d’améliorer les pratiques professionnelles. Par un constat sévère, la Cour des comptes observe que, globalement, « la formation sur l’hygiène et les infections aux soins apparaît insuffisante ». La place reconnue à l’hygiène dans la formation initiale et continue des professionnels de santé doit donc être renforcée. À cette fin, la Cour des comptes encourage le développement des méthodes de formation innovantes (formations courtes en e-learning, « jeux sérieux », simulations, etc.).

Tout aussi sévère est le second constat relatif aux pratiques professionnelles, selon lequel les règles d’hygiène standard sont parfois négligées, tant par les patients, que par les professionnels de santé eux-mêmes (hygiène des mains, tenue de protection individuelle, hygiène respiratoire, prévention des accidents avec exposition au sang ou tout produit biologique d’origine humaine, gestion de l’environnement…). Par exemple, certains établissements de santé souffrent de réelles faiblesses en matière de gestion du risque infectieux, en raison de l’inadéquation de l’état des équipements et locaux et des pratiques professionnelles. Dans un centre hospitalier universitaire visité par la Cour, les membres de la commission des usagers ont pu, par exemple, encore déplorer de croiser des professionnels en blouse de travail à l’extérieur des services de soins pour déjeuner ou pour fumer. En ce qui concerne l’hygiène des mains, l’usage des solutions hydro-alcooliques demeure insuffisant. Parallèlement, l’éducation à la santé des patients et des usagers constitue également un axe à développer.

L’augmentation de la couverture vaccinale des professionnels de santé dans l’ensemble des secteurs de soins et, plus particulièrement, du personnel et des résidents dans les établissements médico-sociaux, reste également « un objectif majeur », puisque, par exemple, les taux de vaccination contre la grippe des professionnels de santé des établissements de santé et médico-sociaux restent de façon préoccupante en deçà de 25 %. La Cour des comptes réitère dès lors sa recommandation formulée dans son rapport public annuel 2018, de revenir sur la suspension de l’obligation de vaccination contre la grippe des professionnels de santé.
 

2) Lutte contre la surconsommation d’antibiotiques


Ensuite, toujours en vue de responsabiliser les acteurs du système de santé, il conviendrait de faire baisser la prescription des antibiotiques en ville, dont la surconsommation est le résultat d’une banalisation de leur prescription et, plus largement, d’un défaut d’organisation de la prescription médicamenteuse.

S’agissant de la banalisation de la prescription, la Cour des comptes relève assez durement que « les prescriptions antibiotiques sont souvent mal étayées et donc peu pertinentes ». Quelques chiffres viennent étayer ce propos : seuls 40 % des médecins généralistes utiliseraient tests rapides d’orientation et diagnostics (TROD) « angine » qui, rappelons-le permettent de distinguer les infections d’origine virale (pour lesquelles les antibiotiques ne sont pas pertinents), des infections bactériennes (qui peuvent les justifier). En 2016, 13 % des résidents en EHPAD étaient sous antibiotiques à titre prophylactique, parfois sur des durées de plus de six mois et 32 % des prescriptions d’antibiotiques pour des indications urinaires n’avaient pas été précédées de l’examen biologique garantissant une prescription fiable.

Pour répondre à cet « enjeu pédagogique de prescription pertinente », la Cour des comptes constate qu’ « un rôle de supervision du risque infectieux et des prescriptions d’antibiotiques pourrait être utilement dévolu au médecin coordonnateur d’EHPAD pour rappeler les bonnes pratiques de prescription, et, le cas échéant, alerter confraternellement sur des prescriptions inadaptées ou insuffisamment ajustées dans les 48 ou 72 heures ». Elle observe d’ailleurs que beaucoup de médecins coordonnateurs pratiquent déjà « de façon informelle » ce double regard avec leurs confrères médecins de ville et « cette bonne pratique doit devenir la règle ».

Un autre constat étrille la médecine de ville, en ce qu’il fait état de ce que « la prescription d’antibiotiques est encore trop souvent une "facilité" pour le médecin, qui économise ainsi le temps qu’il aurait dû consacrer à expliquer la non-prescription, ou qui évite le risque de voir le patient s’adresser à un autre praticien ». La Cour des comptes observe pourtant que l’Assurance maladie a déjà distribué 88 000 ordonnanciers de non prescription (ordonnance qui indique qu’il n’y a pas lieu de prescrire d’antibiotiques et la conduite à tenir), mais que ces ordonnances ne peuvent que rarement être éditées depuis les logiciels installés chez les médecins de ville, ce qui freine leur déploiement et leur usage.

En outre, la Cour des comptes regrette des pratiques de prescription souvent inadaptées : « même dans le cas d’un recours justifié aux antibiotiques, le choix de la molécule, de la dose et surtout de la durée de son administration n’est pas adapté dans un grand nombre de cas ». En l’absence d’un antibiogramme ciblé, d’un conseil en antibiothérapie ou d’un logiciel d’aide à la prescription (LAP), le choix de la molécule se révèlerait parfois disproportionné, outre la durée excessive de prescription. Et, ce, d’autant que le « mésusage massif » de la prescription d’antibiotiques en ville serait amplifié par des conditions de dispensation « obsolètes » à la boîte et non à l’unité. Or, une telle dispensation dans les pharmacies permettrait de réduire de 10 % la consommation, sans compter la prévention du risque d’automédication particulièrement inappropriée pour cette classe thérapeutique.

Dès lors, pour la Cour, « une série de mesures doit être rapidement mise en œuvre pour sortir de cette situation. Outre la mise à jour des connaissances médicales au regard des dernières recommandations en matière de bon usage et, en particulier, de durée de la prescription, l’exercice isolé de la prescription médicamenteuse doit laisser la place à un modèle plus fiabilisé par un "second regard" et par les nouveaux outils numériques ». Outre de tels changement de méthode, l’évolution des pratiques médicales pourrait être garantie par des mécanismes de responsabilisation financière, en particulier par l’intermédiaire de la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP ; art. 27, Convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'Assurance maladie, 25 août 2016 ; Arr. 20 oct. 2016, NOR : AFSS1629881A, JO 23 oct.).
 

3) Sanction des mauvaises pratiques avérées


Enfin, s’agissant de la responsabilisation des acteurs du système de santé, la Cour des comptes invite à une gestion plus active du risque et à la sanction des mauvaises pratiques.

À ce titre, il conviendrait d’utiliser pleinement les indicateurs de qualité établis au plan national. Rappelons que ceux-ci permettent de mesurer les actions des établissements de santé dans le domaine de la lutte contre les infections nosocomiales et qu’ils sont pris en compte par la Haute Autorité de santé (HAS) dans le cadre de la certification des établissements. Ces indicateurs sont mis en ligne sur « Scope Santé ». Mais si chaque établissement de santé doit publier son résultat, cette obligation n’est qu’imparfaitement mise en œuvre.

La Cour des comptes estime dans ce cadre que la présentation de ces informations gagnerait certainement à être standardisée dans son contenu et à être plus immédiatement accessible sur le site internet des établissements, pour la bonne et complète information des patients. Plus fondamentalement, les indicateurs sont actuellement « de moyens » portant sur les organisations et les ressources mises en œuvre ; ils devraient, selon la Cour, être complétés par des indicateurs de résultats, rendus publics, ici encore afin de procurer aux usagers, des éléments d’appréciation sur la qualité et la sécurité effectives des soins délivrés. Enfin, les résultats des indicateurs devraient faire l’objet d’une utilisation « plus conséquente et immédiate » à l’encontre des établissements mal notés de manière récurrente. Ceci, conjugué à différentes mesures, telles que le dispositif d’Incitation Financière à l’Amélioration de la Qualité (IFAQ), ou, de manière plus adaptée en termes de la qualité et de sécurité des soins, par une orientation prioritaire des inspections des ARS vers les établissements les moins bien notés. Sur la base de ces constats, elles devraient accompagner les mises à niveau qui s’imposent, et, le cas échéant, remettre en cause des autorisations délivrées.

La Cour des comptes achève son rapport par le constat de la nécessité de faciliter l’indemnisation des IAS, dont le régime a été mis en place en 2002 (L. n° 2002-303, 4 mars 2002, JO 5 mars ; L. n° 2002-1577, 30 déc. 2002, JO 31 déc.) et dont la principale concrétisation a été la création de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Dans ce cadre, la Cour des comptes regrette la « fragmentation historique » des régimes d’indemnisation selon le statut d’exercice du professionnel concerné ; or, « à conditions inchangées de mise en jeu de la responsabilité des divers professionnels de santé, [cette fragmentation] est en effet susceptible de favoriser une dilution de leurs responsabilités ». Ceci, sans compter le développement des prises en charge ambulatoires et la complexité, notamment pour le patient, de la recherche de l’imputabilité d’une infection en cas de contentieux.

La Cour déplore les carences existantes en ce qui concerne l’accès et la transmission du dossier médical, le contenu et sa constitution étant actuellement insuffisamment définis, alors même qu’il constitue « un préalable à l’effectivité des droits à réparation accordés par le législateur de 2002 ». La généralisation du format électronique pour la transmission des dossiers médicaux à l’ONIAM pourrait constituer une réponse aux dysfonctionnements constatés, tout en apportant au patient davantage de garanties en termes de traçabilité et d’intégrité de ses données.

Enfin, en sus de mesures visant à faciliter l’indemnisation des IAS, le mode de financement de l’ONIAM pourrait être réformé en vue de responsabiliser les établissements et les professionnels de santé : actuellement assuré par une dotation de l’Assurance maladie au titre de la solidarité nationale, il pourrait reposer sur des cotisations modulées selon un mécanisme de bonus/malus, de manière à inciter les établissements et les professionnels à une gestion plus active du risque infectieux et au respect des bonnes pratiques.
Source : Actualités du droit