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Rapprochement familial pour le détenu en attente de jugement : renvoi d’une QPC

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
12/12/2018
L’absence de voie de recours permettant au détenu en attente de comparution devant la juridiction de jugement, de contester l’avis conforme défavorable opposé à sa demande de rapprochement familial est-il contraire à la Constitution ? Le Conseil d’État renvoie une QPC au Conseil constitutionnel.
À l’appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'abrogation de l'article R. 57-8-7 du Code de procédure pénale, la Section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) a demandé au conseil d'État, de renvoyer au Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, de l'article 34 de la loi pénitentiaire (L. n° 2009-1436, 24 nov. 2009, JO 25 nov.).

Cette disposition prévoit que les prévenus dont l'instruction est achevée et attendant leur comparution devant la juridiction de jugement, peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution. En complément, l’article R. 57-8-7 du Code de procédure pénale, créé en 2010 par le décret d’application de la loi pénitentiaire (D. n° 2010-1634, 23 déc. 2010, JO 28 déc.), prévoit notamment que le directeur interrégional des services pénitentiaires peut faire droit à la demande de rapprochement familial après avis conforme du magistrat saisi du dossier de la procédure.

L’OIP soutient que ce texte :
  • méconnaît l'article 34 de la Constitution, en tant qu'il est entaché d'incompétence négative ;
  • porte atteinte au droit à un recours effectif, tel que garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
  • porte atteinte au droit à mener une vie familiale normale protégé par l'alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Ceci, dès lors, notamment, qu'il n'est assorti d'aucune voie de recours effectif permettant de contester le refus opposé à la demande d'une personne détenue en prévention de bénéficier d'un rapprochement familial.

Le Conseil d’État rappelle qu’en application des dispositions réglementaires précitées, « le rapprochement familial d'une personne détenue en prévention dont l'instruction est achevée et qui attend sa comparution devant la juridiction de jugement est nécessairement subordonné à l'accord du magistrat saisi du dossier de la procédure, la décision par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires ou le ministre de la Justice refuse de l'accorder se rattache au fonctionnement du service public pénitentiaire et peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative ».
Toutefois, dans ce cadre, « s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre une telle décision de refus de rapprochement familial, d'exercer un contrôle de légalité sur celle-ci, il ne lui appartient, dans l'hypothèse où ce refus ferait suite à l'avis conforme défavorable émis par le magistrat saisi du dossier de la procédure, ni d'examiner les moyens de forme ou de procédure invoqués à l'encontre de la régularité de cet avis ni de contrôler et de remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le magistrat ».
Partant, soulève une question présentant un caractère sérieux, qu’il y a donc lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 34 de la Constitution, en ce que l'article 34 de la loi pénitentiaire ne prévoit pas la possibilité de contester, le cas échéant, l'avis conforme défavorable au rapprochement familial émis par le magistrat saisi du dossier de la procédure.
Source : Actualités du droit