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Nouvelle pierre à l’édifice du recours contre les actes de soft law : les lignes directrices des autorités de régulation sont contestables

Public - Droit public des affaires
20/12/2017
C’est sur fond de problématique de partage de réseaux entre opérateurs mobiles que les Sages du Palais-Royal viennent de poser un nouveau jalon du contentieux encore naissant des actes de soft law. Le doute en effet soulevé par les affaires Fairvesta et Numéricâble est désormais dissipé : les lignes directrices d’une autorité de régulation sont contestables devant le juge de l’excès de pouvoir. Le Conseil d’État a au passage validé l’action de l’Arcep sur le contrat d’itinérance conclu entre Free Mobile et Orange.
C’est le recours exercé par Bouygues Télécom contre les lignes directrices relatives au partage de réseaux mobiles adoptées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), publiées le 25 mai 2016, qui a donné l’occasion à la Haute juridiction administrative de venir fignoler sa jurisprudence entourant les actes de droit souple qui trouve sa source en mars 2016 (CE, ass., 21 mars 2016, nos 368082, 368083, 368084, Sté Fairvesta International GMBH et a. ; CE, ass., 21 mars 2016, n° 390023, Sté NC Numericable, v. Le Lamy Droit public des affaires 2017, nos  165 à 167).

Pas d’immunité pour les lignes directrices

C’est sans surprise que le Conseil d’État a suivi son rapporteur public et nouveau porte-parole, Xavier Domino, affirmant sans ambages dans ses conclusions qu’il n’y a « aucune raison de maintenir un bastion d’irrecevabilité des recours dirigé contre les lignes directrices ». La section du contentieux a en effet d'abord soutenu « que les lignes directrices par lesquelles les autorités de régulation définissent, le cas échéant, les conditions dans lesquelles elles entendent mettre en œuvre les prérogatives dont elles sont investies, peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, introduit par un requérant justifiant d'un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu'elles sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles elles s'adressent ; que, dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité de régulation ». Elle a en l’occurrence estimé que le document litigieux répondait à de tels critères eu égard à l’influence exercée sur les opérateurs dans leurs accords de partage de réseaux mobiles.

La Haute juridiction a en revanche rejeté la demande d’annulation formée contre le projet de lignes directrices du régulateur sur l’itinérance et la mutualisation des réseaux mobiles mis en consultation publique en janvier 2016 compte tenu du caractère préparatoire du document.

L’Arcep confortée dans sa position sur le partage

Sur le fond, le Conseil d’État s’est également prononcé en faveur de l’analyse de l’Arcep sur l’épineux débat autour des contrats d’itinérance. Rappelons qu’ils sont conçus pour permettre l’entrée sur le marché à un nouvel acteur, en lui donnant accès à une infrastructure existante. Ils cristallisent certaines crispations en raison du risque qu’ils comportent en termes d’incitation à l’investissement de l’opérateur accueilli.

À la suite de l’intervention de l’Autorité, Free Mobile et Orange sont convenus en juin 2016 d’une trajectoire d’extinction. La Haute juridiction a en l’espèce pris soin de souligner que « Free Mobile respecte ses obligations de déploiement de réseau » et que l’opérateur ne jouit pas d’un avantage concurrentiel injustifié nonobstant la prolongation de l’itinérance jusqu’en 2020. Elle a au surplus entériné le principe du régulateur posé dans ses lignes directrices selon lequel « l’itinérance ne [peut] être pérenne que sur une portion limitée du territoire, correspondant aux zones les moins denses où les incitations à investir sont très limitées ». Le recours de Bouygues Télécom a par conséquent été rejeté.
 
Source : Actualités du droit