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État d'urgence : déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions relatives à l'interdiction de séjour

Public - Droit public général
12/06/2017
Les dispositions du 3° de l'article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l'état d'urgence, selon lesquelles "le préfet a le pouvoir d'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics", n'assurent pas une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif constitutionnel de sauvegarde de l'ordre public et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir et le droit de mener une vie familiale normale. En effet, en prévoyant une telle interdiction de séjour, le législateur a permis le prononcé d'une telle mesure sans que celle-ci soit nécessairement justifiée par la prévention d'une atteinte à l'ordre public. Aussi, le législateur n'a soumis cette mesure d'interdiction de séjour, dont le périmètre peut notamment inclure le domicile ou le lieu de travail de la personne visée, à aucune autre condition et il n'a encadré sa mise en oeuvre d'aucune garantie. Par conséquent, le 3° de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 doit être déclaré contraire à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel, dans un arrêt du 9 juin 2017 (voir la décision de renvoi CE, 2e et 7e ch. réunies., 29 mars 2017, n° 407230).

En l'espèce, le requérant et l'association intervenante reprochaient aux dispositions contestées de méconnaître la liberté d'aller et de venir ainsi que la liberté d'expression et de communication et le droit d'expression collective des idées et des opinions, dont résulte la liberté de manifester. Selon eux, d'une part, l'atteinte portée à ces libertés par la mesure d'interdiction de séjour ne saurait, dans la mesure où une "entrave à l'action des pouvoirs publics" ne constitue pas nécessairement une menace pour l'ordre public, être justifiée par l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. D'autre part, la mise en oeuvre de ces interdictions de séjour ne serait pas entourée de suffisamment de garanties, dès lors que le législateur n'en a pas fixé la durée et n'a pas exclu le domicile de l'intéressé du territoire pouvant être visé par l'interdiction. Les dispositions contestées porteraient également atteinte, selon le requérant, au droit au respect de la vie privée et, selon l'association intervenante, à la "liberté de travailler" et au droit de mener une vie familiale normale.

Enonçant les principes susvisés, le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnelles les dispositions précitées. Toutefois, dans la mesure où l'abrogation immédiate de ces dispositions entraînerait des conséquences manifestement excessives, les Sages décident, en vertu de l'article 62 de la Constitution, qu'il y a lieu de reporter la date de cette abrogation au 15 juillet 2017.

Par Aziber Seïd Algadi
Source : Actualités du droit