Retour aux articles

Vœux 2017 de la Justice : une fin de mandat chargée

Civil - Personnes et famille/patrimoine, Responsabilité, Contrat
Pénal - Vie judiciaire
26/01/2017
Alors qu’il ne lui reste que 103 jours d’exercice, Jean-Jacques Urvoas a présenté ce 25 janvier 2017 ses vœux à la presse : entre bilan et projets au long cours pour l’avenir de la Justice, il a dévoilé le programme de travail du ministère d’ici à son départ.
Son unique combat aura été pour les moyens de la Justice car « le bon fonctionnement de la démocratie dépend du bon fonctionnement de la Justice ». La Justice est un service public qui se doit d’être efficace pour ses usagers. Les moyens qui lui sont alloués doivent donc être « élevés au-delà du débat partisan ».

Donner à la Justice les moyens d’un service efficace

Son combat aura été gagné cette année car le budget du ministère frôle les 7 milliards et le Premier ministre a accepté de dégeler une partie de la réserve de précaution, autorisant ainsi l’utilisation dès à présent de la totalité des crédits de fonctionnement et d’investissement destinés aux tribunaux (soit 40,5 millions d’euros). 400 opérations immobilières vont pouvoir être lancées là où les urgences sont avérées ; les juridictions vont pouvoir payer leurs dettes (frais de justice) et réduire leurs délais de paiement (un mois depuis décembre contre quatre auparavant).

Cette victoire ne doit être qu’un début : le ministre souhaite que d’ici 5 ans le budget passe à 8 milliards pour que la Justice fonctionne correctement.

Poursuivre la déjudiciarisation

Mais Jean-Jacques Urvoas a été clair : un meilleur budget ne résoudra pas toutes les difficultés. Si les charges de la Justice augmentent, l’augmentation des crédits ne suffira pas. Il faut donc continuer de déjudiciariser pour simplifier la Justice au quotidien, sans que la qualité de ce service public baisse.

Après le divorce par consentement mutuel extra-judiciaire, l’enregistrement du PACS à la mairie entre autres mesures issues de la loi Justice du XXIe siècle, la refonte du droit des contrats, la prochaine étape sera la réforme de la responsabilité civile (voir notre actualité du 25/01/2017 : Réforme de la responsabilité : le projet bientôt présenté). Le projet de loi sera rendu public le mois prochain. Il prévoira notamment la création de l’amende civile.

Une réforme des tutelles est aussi envisagée. Un rapport de la Cour des comptes pointe en effet la défaillance des greffes dans la gestion des comptes de tutelles (Rapp. C. comptes, La protection juridique des majeurs, sept. 2016), vraisemblablement par manque de temps. Ces missions pourraient donc être confiées à d’autres professionnels, des « professionnels du chiffre » a indiqué Jean-Jacques Urvoas.

La réforme avortée du Conseil supérieur de la magistrature

Son grand regret restera l’échec de la réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui prévoyait entre autres une « décaporalisation du Parquet ». Un regret également exprimé le 13 janvier dernier par le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Claude Marin, à l’occasion de l’audience solennelle de début d’année de la Cour de cassation (voir notre actualité du 13/01/2017 : En 2017, à la Cour de cassation, réformes et déontologie seront de mise !).

Ce regret est même devenu une inquiétude pour le ministre, en raison du discours du candidat à la présidentielle François Fillon, à contre-courant de cette réforme, puisqu’il insiste sur le maintien du lien organique entre le parquet et le pouvoir exécutif.

Un programme de travail soutenu d’ici mai

Jean-Jacques Urvoas compte tout d’abord mener à bien trois projets :
– la proposition de loi sur la réforme de la prescription en matière pénale actuellement discutée au Parlement ;
– le projet de loi relatif à la sécurité publique, également en discussion au Parlement, qui comporte deux mesures qui lui tiennent à cœur : la création d’équipes de sécurité pénitentiaire et la prise en charge des « revenants des théâtres de guerre ». Concernant ce dernier point, ce sera la première fois depuis 2007, que l’État revient dans le champ de l’assistance éducative ;
– la concrétisation d’une obligation qui pèse sur le garde des Sceaux et qu’il sera le premier à respecter : rendre un rapport sur la politique pénale au Parlement le mois prochain.

Adopter les décrets d’application de la loi Justice du XXIe siècle

Mais le programme ne s’arrête pas là. De nombreux décrets de la loi Justice du XXIe siècle vont être adoptés d’ici le mois de mai : 12 sont déjà dans les circuits interministériels et 50 autres devraient être pris, notamment sur le changement de sexe à l’état civil, le PACS, la célébration du mariage hors des murs de la mairie, le surendettement, l’allongement du délai de déclaration des naissances ou encore l’action de groupe.

Il est également prévu que la carte d’installation des nouveaux offices d’huissiers de justice soit élaborée, sans oublier les offices de commissaires-priseurs judiciaires.

Lancer l’Open Data de la jurisprudence

Prévu par la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 (C. org. jud., art. L. 111-13, nouveau), l’open data de la jurisprudence devrait voir ses conditions de mise en œuvre précisées par décret d’ici fin mars.

Ce sera un « travail himalayesque » car il suppose l’anonymisation et la suppression de tout contexte identifiant des millions de décisions concernées. Ce projet sera mené sous l’égide de la Cour de cassation, dont le Premier président, Bertrand Louvel, a déjà indiqué, le 13 janvier dernier, lors de l’audience de rentrée de la juridiction, que sa réussite dépendra « des moyens que l’on mettra à sa disposition ».

Le calendrier de mise à disposition a été dévoilé :
– 12 à 24 mois pour les décisions civiles des cours d’appel ;
– 24 à 36 mois pour les décisions pénales des cours d’appel ;
– au moins trois ans pour les décisions de première instance, plus sûrement 5 à 8 ans.

« Le garde des Sceaux doit se comporter en jardinier : il plante des graines que son successeur verra pousser, et dont le suivant encore récoltera les fruits » a affirmé Jean-Jacques Urvoas, en guise de conclusion.
Source : Actualités du droit