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Délai de production d’un mémoire complémentaire : attention au désistement d’office !

Public - Droit public général
04/10/2023
Dans une décision du 29 septembre 2023, le Conseil d’État a déclaré qu’un requérant peut être réputé s’être désisté de sa requête alors même qu’il a sollicité un délai supplémentaire pour produire un mémoire complémentaire avant l’expiration du délai imparti. Le juge n’est pas tenu de répondre à la demande ni de motiver le refus d’accorder ce délai supplémentaire.
Les requérants peuvent, dans leur requête, annoncer l’envoi prochain d’un mémoire complémentaire. En pareil cas, le Code de justice administrative prévoit que le rapporteur fixe le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires (pour les tribunaux administratifs, CJA, art. R. 611-10 ; pour les cours administratives d’appel, CJA, art. R. 611-17).
 
L’article R. 612-5 du CJA vient préciser « Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi ou, dans les cas mentionnés au second alinéa de l'article R. 611-6, n'a pas rétabli le dossier, il est réputé s'être désisté ».
 
Dans une décision du 29 septembre 2023 (n° 460160, Lebon T.), le Conseil d’État vient tirer des conséquences de cet article.
 
Il rappelle d’abord un principe posé par un arrêt du 13 janvier 2023 (CE, 13 janv. 2023, n° 452716, Lebon T. ; voir Désistement d’office en l’absence de mémoire complémentaire : précisions du Conseil d’État, Actualités du droit, 23 janv. 2023), à savoir l’obligation pour le tribunal de constater le désistement d’office si plusieurs conditions cumulatives sont remplies :
  • l'intéressé a annoncé expressément la production d'un mémoire complémentaire,
  • le tribunal a choisi d’adresser une mise en demeure pour la production du mémoire complémentaire,
  • le requérant a reçu la mise en demeure,
  • la mise en demeure laisse un délai suffisant pour y répondre,
  • le requérant ne produit pas le mémoire complémentaire à l'expiration du délai fixé.
 
Le Conseil annonce ensuite dans sa décision du 29 septembre qu’en application du principe de « bonne administration de la justice », le juge n’est pas obligé de faire droit à une demande de délai supplémentaire de la part du requérant. Ainsi le juge « peut, malgré cette demande, mettre au rôle l'affaire ou la régler par ordonnance par application des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, hormis le cas où des motifs tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient ».
 
De plus, le refus d’accorder un délai supplémentaire n’a pas à être motivé : « Il n'a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande. Aucune disposition du code de justice administrative ne lui impose de viser cette demande de délai supplémentaire. »
 
En l’espèce, une agente publique qui contestait sa notation et son appréciation avait annoncé la production d’un mémoire complémentaire, pour lequel le tribunal lui avait fixé un délai. La requérante avait ensuite, dans le délai imparti, sollicité un délai supplémentaire. Le tribunal avait ensuite constaté le désistement d’office. Le Conseil d’État déclare que la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que la sollicitation d’un délai supplémentaire « n’était pas de nature à faire obstacle à ce qu’elle soit réputée, à l’expiration de ce délai, s’être désistée de sa requête ».
 
Dans la décision précitée du 13 janvier 2023, le Conseil d’État avait annoncé que le requérant qui avait sollicité un délai supplémentaire deux jours après l’expiration du délai posé par le juge était réputé s’être désisté. Dans sa décision du 29 septembre, il adopte une position plus ferme en annonçant que même si le délai supplémentaire est sollicité avant l’expiration du délai imparti, le juge n’a pas à y faire droit ni même à répondre à la sollicitation.
Source : Actualités du droit