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Non-recouvrement a posteriori des droits de douane : un cas d’erreur active de la Douane, mais un défaut de diligence de l’opérateur

Transport - Douane
19/05/2020
Si le juge retient une erreur active de la Douane lors de son contrôle – ce qui est rare – s’agissant du classement d’une marchandise, il ne permet pas à l’opérateur de bénéficier du non-recouvrement a posteriori des droits de douane qui en découlerait, à défaut pour ce dernier d’avoir, en tant que professionnel de la marchandise qui aurait pu avoir des doutes sur ledit classement, demandé un renseignement tarifaire contraignant (RTC), ce qui aurait prouvé ses diligences et sa bonne foi.
Un opérateur estime que la Douane a commis une erreur en ne décelant pas lors d’un contrôle l’erreur qu’il a commise dans le classement de la marchandise qu’il a déclarée. Et cette erreur de l’Administration qui a permis à l’opérateur de continuer ses opérations avec un classement erroné ne devrait pas permettre le recouvrement a posteriori des droits de douanes (dus en application du classement correct) selon cet opérateur qui se fonde sur l’ex-article 220, 2, b, du Code des douanes communautaire (CDC), repris à l’identique par l’article 119 du Code des douanes de l’Union (CDU). Pour mémoire, ces textes permettent en effet qu’il ne soit pas procédé à une prise en compte a posteriori de ces droits, lorsque le montant des droits légalement dus n'a pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.
 
Erreur active de la Douane : le juge contrôle le contenu du contrôle
 
Concrètement, l’importateur estime qu’en 2013, la Cellule des Contrôles de la législation (CCL) du Havre a initié un contrôle à son encontre à l'issue duquel le classement qu’il a retenu n'a pas été contesté : ce faisant, selon lui, l’Administration a ainsi validé la position tarifaire choisie par lui et, si cette position est incorrecte, la Douane a commis une erreur active (exigée/précisée par la jurisprudence) au sens des dispositions précitées.
 
En revanche, pour la Douane, les éléments fournis par l’importateur aux services du Havre, « au vu de la complexité des produits en cause », ne permettaient pas à l'autorité douanière, « en l'absence de vérification des marchandises », de constater que la position tarifaire déclarée par le redevable était erronée. Dès lors, le fait de n'avoir pas remis en cause la position tarifaire choisie par l’importateur n’est pas une erreur imputable à l'Administration.
 
Pour la cour d’appel, il ressort de l'avis de résultat d'enquête notifié par la CCL que la Douane a précisé avoir examiné « "la documentation fournie par Madame X" » qui comprenait « "les photos de certaines références" » et « "un tableau de correspondance entre les différences(sic) références" ». Par conséquent, pour ce juge, « c'est après avoir été mise en possession d'éléments de nature à vérifier la marchandise » que la CCL n’a pas décelé l’erreur de l’opérateur, ce qui constitue une erreur active de sa part à elle (à la suite de laquelle le montant des droits n’a pas été pris en compte et ne peut l’être en application des textes précités).
 
Diligences de l’opérateur : demander un RTC en cas de doute
 
Comme l’indiquent les textes précités, le non-recouvrement a posteriori des droits est possible si, outre l’existence d’une erreur de la Douane, d’autres conditions sont remplies : ainsi, cette erreur commise par les autorités douanières ne doit pas être raisonnablement décelable par le redevable de bonne foi. Sur ce point, selon une jurisprudence constante, il importe de tenir compte de la nature de cette erreur au regard notamment de la complexité de la législation applicable, de l'expérience professionnelle de l'opérateur concerné et du degré de diligence dont il a fait preuve.
 
La cour d’appel concentre ses motifs sur l’appréciation des diligences de l’opérateur et s’appuie sur une formule de principe qui mérite d’être citée pour sa limpidité : « la diligence de l'opérateur s'apprécie au regard des doutes qu'il a pu avoir sur l'application de la réglementation douanière en cause et, dans l'affirmative, au regard des recherches auxquelles il a ou non procédé afin de connaître et de respecter cette réglementation ».
 
En l’espèce, la cour se fonde sur les éléments suivants : jusqu'en février 2012, les cartouches d’encre litigieuses étaient déclarées au sous-chapitre 3215 par le déclarant initial de l’importateur ; puis en février 2012, l’importateur recourant à un nouveau déclarant, ces marchandises ont été déclarées au sous-chapitre 8843, voire 8473 exonérées de droits de douane ; l’importateur a fait valoir que son nouveau déclarant avait modifié le classement en raison de l'existence de RTC avec classement au 8843 pour des produits dont la description pouvait apparaître similaire aux produits importés. Mais, selon le juge, l’importateur, « professionnel en matière de cartouches d'encre, pouvait comprendre à la lecture de ce RTC » qu’il ne justifiait pas le classement à la position 8443 : aussi, poursuit le juge, l’importateur « pouvait avoir des doutes sur l'application de la réglementation douanière » et « en s'abstenant de déposer une demande de RTC (...), alors que seule la réponse de l'administration à cette demande aurait été de nature à la renseigner sans équivoque possible, [il] n'a pas procédé aux recherches nécessaires afin de connaître et respecter la réglementation ». Par conséquent, termine la cour, « à défaut d'avoir effectué cette diligence, [l’importateur] ne peut se prévaloir utilement de sa bonne foi » et ne peut bénéficier des dispositions précitées, « et ceci même si la complexité de la législation applicable n'est pas contestable et que [l’importateur] n'est pas un professionnel de l'import, activité pour laquelle [il] a recours au déclarant (...) ».
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, nos 465-8 et 465-20, et dans Le Lamy transport, tome 2, nos 1411 et 1416. La décision ici présentée est intégrée à ces numéros dans la version en ligne de ces ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit