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Sociétés commerciales : inopposabilité des actes du dirigeant pour défaut de publicité de sa désignation

Afrique - Ohada
29/05/2019
Les actes du dirigeant social, dont la désignation n’a pas été publiée, ne sont pas opposables aux tiers et aux administrations publiques. Les explications de Bréhima Kaména, maître de conférences agrégé à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (Mali).
Dans cette affaire, le Groupe HVK International signifiait, le 18 janvier 2016, une ordonnance d’injonction de payer rendue par le président du tribunal de grande instance de Brazzaville à la société HUAWEI. Le 28 janvier 2016, cette dernière formait opposition contre ladite ordonnance devant le même tribunal. Celui-ci, par jugement du 8 juillet 2016, déclarait ce recours irrecevable au motif que ni les tiers, ni les administrations publiques n’avaient connaissance de la désignation de l’administrateur général de la société HUAWEI, pour défaut de publicité. La cour d’appel de Brazzaville, par un arrêt du 1er février 2017, confirma ce jugement.

La requérante faisait grief à cet arrêt la violation de l’article 495 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique du 30 janvier 2014 (AUSCGIE). D’une part, elle soutenait que son administrateur général avait été nommé par l’assemblée générale ordinaire conformément à l’article 495 précité. D’autre part, selon elle, « la publication au registre du commerce ne vise qu’à informer les tiers et les protéger ».

L’arrêt n° 003/2019 du 24 janvier 2019 soulève le problème juridique suivant : les actes du dirigeant social, dont la désignation n’a pas été publiée, sont-ils opposables aux tiers et aux administrations publiques ?

Au visa de l’article 61 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général du 15 décembre 2010 (AUDCG), la CCJA rejette le pourvoi, jugeant que les actes du dirigeant social, dont la désignation n’a pas été publiée, ne sont pas opposables aux tiers et aux administrations publiques.

L’article 61, alinéa 1er, de l’AUDCG dispose que « Toute personne assujettie à l'immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier ne peut, dans l'exercice de ses activités, opposer aux tiers et aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à transcription ou mention que si ces derniers ont été publiés au registre du commerce et du crédit mobilier ». Toutefois, l’alinéa 2 du même article prévoit une exception en ces termes : « Cette disposition n'est pas applicable si l’assujetti établit qu'au moment où ils ont traité, les tiers ou administrations en cause avaient connaissance des faits et actes dont s'agit ».

Or, comme l’a relevé la CCJA à la suite de la cour d’appel, il était formellement établi qu’à la date de la procédure en opposition litigieuse, la désignation du dirigeant initiateur de celle-ci n’avait pas été publiée au registre du commerce et du crédit mobilier. En outre, il ne ressortait d’aucune pièce du dossier que les tiers ou les administrations en cause avaient connaissance de cette désignation. Dès lors, l’arrêt de la CCJA emporte l’adhésion.

C’est la première fois, à notre connaissance, que la CCJA se prononce sur l’inopposabilité des actes d’un dirigeant pour défaut de publicité de sa désignation.

Rendu à propos de l’administrateur général d’une société anonyme unipersonnelle, l’arrêt commenté a, cependant, en raison des termes employés par l’article 61 de l’AUDCG précité, une portée plus générale. Il concerne, en effet, toute personne assujettie à l'immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier.
Source : Actualités du droit