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La saisie conservatoire des navires dans les ports africains

Afrique - Ohada
29/06/2017
Le point sur la saisie de navire dans les États membres de l'OHADA avec Béatrice Favarel, arbitre maritime et avocat au barreau de Marseille.
Cette étude prend en compte les États membres de l’OHADA situés en Afrique centrale. En Afrique de l’Ouest, les exemples du Bénin, du Sénégal et du Togo illustreront nos propos. Dans l’espace OHADA, parallèlement à la Convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952 sur la saisie conservatoire des navires de mer (D. n°58-14, 4 janv. 1958), il existe d’autres textes. On se réfèrera à l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, 10 avr. 1998), au Code communautaire de la marine marchande applicable aux États de l’OHADA situés en Afrique centrale et aux Codes de la marine marchande internes aux États de l’Afrique de l’Ouest (Togo, L.  n° 2016-028, portant Code de la marine marchande ; Bénin, L. n° 2010-11, 27 décembre 2010, portant Code maritime en République du Bénin ; Sénégal, L. n° 2002-22, 16 août 2002, portant Code de la marine marchande). Ces différents textes convergent et divergent sur certains points. Sur d’autres, ils se complètent. On étudiera les règles matérielles et les règles procédurales qui régissent la saisie conservatoire des navires dans les ports africains.
 
Les règles matérielles régissant la saisie conservatoire des navires dans les ports africains
 
La créance fondant la saisie.- La créance fondant la saisie conservatoire des navires au sein de l’OHADA, est comme dans la Convention de 1952, une créance maritime.
À la différence de la convention de 1952, le droit sénégalais fait allusion à la créance maritime sans en établir une liste limitative.
En droit béninois, togolais ainsi que dans le Code communautaire de la marine marchande que nous nommerons Code communautaire, il existe une liste des créances maritimes similaires à celle de l’article 1, alinéa 1, de la Convention de 1952. Il faut toutefois préciser que dans le Code communautaire et en droit togolais, cette liste comporte une nouvelle créance qui n’est pas prévue dans la Convention de 1952 : c’est la créance découlant d’un dommage au milieu marin. Cette créance est prévue par l’article 149 d du Code communautaire, ainsi que par l’article 132, alinéa 4, du Code de la marine marchande du Togo. Le droit sénégalais et béninois n’en font, en revanche, pas cas. En outre, dans le Code communautaire, une créance partiellement maritime est assimilée à une créance maritime.
 
Le navire saisissable. - Les règles qui s’appliquent au navire saisissable au sein de l’OHADA sont les mêmes que celles prévues à l’article 3, alinéa 1, de la Convention de 1952.
Dans le Code communautaire et dans le droit togolais, la saisie peut être pratiquée ou bien sur le navire auquel la créance se rapporte, ou bien sur tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel cette créance se rapporte.
Le droit sénégalais et béninois sont muets sur la question du navire saisissable. Dès lors, en application de l’article 54 de l’Acte uniforme, n’importe quel navire du débiteur pourra être saisi.
Par ailleurs, conformément à l’article 30 de l’Acte uniforme applicable dans tous les États de l’OHADA, les navires appartenant à un État ou exploités par lui, ne peuvent pas être saisis si, au moment où la créance est née, ils étaient affectés exclusivement à un service gouvernemental et non commercial. L’article 144 du Code communautaire va dans ce sens.
 
Les règles procédurales régissant la saisie conservatoire des navires dans les ports africains
L’autorisation de la saisie. - La saisie conservatoire du navire est autorisée au sein de l’OHADA, par ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal dans le ressort duquel se trouve le navire.
Dans les États de l’Afrique centrale, l’autorité judiciaire compétente ne peut rendre son ordonnance qu’après avis de l’autorité maritime compétente (Code communautaire, art. 150, alinéa 1). L’autorité maritime compétente est le ministre en charge de la marine marchande ou le directeur de la marine marchande ou tout autre fonctionnaire auquel le ministre a délégué tout ou partie de ses pouvoirs. Cet avis n’ayant qu’un caractère consultatif, il ne lie pas le juge (Code communautaire, art. 148).
 
La mise en œuvre de la décision autorisant la saisie et mainlevée de la saisie.- Au sein de l’espace OHADA, la saisie conservatoire est pratiquée entre les mains du capitaine du navire par un huissier de justice qui en dresse procès-verbal. Aux termes des dispositions de l’article 152, alinéa 2, du Code communautaire, l’huissier de justice est tenu de faire figurer sur le procès-verbal de saisie, les mentions telles que : les nom, profession et domicile du créancier pour qui il agit ; la décision judiciaire autorisant la saisie ; le montant de la créance justifiant la saisie ; la date du commandement de payer ; l’élection de domicile faite par le créancier dans le lieu où siège l’autorité judiciaire compétente, et dans le lieu où le navire est amarré ; les nom et adresse du propriétaire du navire ; les nom, catégorie, tonnage et nationalité du navire.
Ces différentes mentions sont les mêmes en droit béninois, sénégalais et togolais, avec quelques précisions inspirées de l’article 64 de l’Acte uniforme précité.
Le débiteur qui fournit une garantie d’un montant suffisant et sous une forme satisfaisante, peut obtenir une autorisation de départ du navire, pour un ou plusieurs voyages déterminés. En Afrique centrale, cette autorisation est donnée par le juge des référés après avis de l’autorité maritime compétente. En droit sénégalais, le juge ne requiert l’avis de l’autorité maritime que s’il l’estime nécessaire. En droit togolais et béninois, l’autorisation du juge n’est subordonnée à aucun avis.
En conclusion, dans l’espace OHADA, les textes qui réglementent la saisie conservatoire des navires, sont similaires à la Convention de 1952, notamment en ce qui concerne les règles matérielles. En effet, la créance fondant la saisie doit être maritime. Toutefois, seul le droit sénégalais, contrairement aux autres pays de l’espace OHADA étudiés, ne prévoit pas de liste limitative de ces créances maritimes. Le Code communautaire ainsi que le droit togolais prévoient une nouvelle créance : la créance découlant d’un dommage au milieu marin.
Quant aux règles procédurales, elles diffèrent sensiblement de celles de la Convention de 1952, dans la mesure où l’autorité maritime compétente, à savoir le ministre en charge de la marine marchande, peut donner son avis sur l’autorisation de saisie ou sur la mainlevée de celle-ci.     
 
 
 
Source : Actualités du droit