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L’étendue de la réforme du droit des contrats dans l'espace OHADA

Afrique - Ohada
23/06/2017
Le besoin de réforme du droit des contrats en Afrique dans l’espace OHADA est une certitude. Mais à l’opposé de cette certitude, la délimitation des frontières de cette réforme n’est pas acquise. L'analyse d'Éric Dewedi, agrégé de droit privé, doyen honoraire de l'Université de Parakou.
On est, en effet, en droit de s’interroger pour savoir la réforme du droit des contrats dans l’espace OHADA ne gagnerait pas plutôt à se recentrer sur les éléments découlant des actes uniformes actuellement en vigueur. Selon lesdits actes, il y a d’une part, un besoin d’adaptation du droit commun des contrats et d’autre part une adaptation corrélative du droit des contrats spéciaux dans l’espace OHADA.
 
L’ambition louable d’une réforme globale du droit des obligations de la preuve et de la prescription
L’étendue de la réforme du droit des contrats dans l’espace OHADA est une question déjà concomitante à l’adoption du traité de l’OHADA et des actes uniformes, notamment, l’actuel uniforme révisé sur le droit commercial général (AUDCG, 15 décembre 2010).
En effet, selon l’article 10 du traité constitutif de l’OHADA (Traité constitutif de l’OHADA, 17 octobre 1993 et révisé le 17 octobre 2008, art. 10) le doit OHADA bénéficie d’une suprématie sur le droit interne des États membres. Les conséquences qui découlent de cette suprématie sont de deux ordres. La première est que dans les hypothèses où les dispositions internes dans les États membres, antérieures ou postérieures au droit OHADA, entrent en conflit avec celui-ci, c’est le droit OHADA qui l’emporte. Cette solution est directement posée par l’article 10 du traité constitutif de l’OHADA en ces termes « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États membres, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ». La deuxième hypothèse qui découle de la première laisse à considérer que les dispositions de droit interne non contraires au droit OHADA peuvent s’appliquer.
Dans ce sens, s’agissant de la vente commerciale, l’article 237, alinéa 1er, de l’AUDCG dispose que « la vente commerciale est soumise aux règles de droit commun des contrats et de la vente qui ne sont pas contraires aux dispositions du présent livre ». Au regard de ces dispositions, le droit commun des contrats en droit interne s’applique à la vente commerciale et d’une manière générale aux contrats de droit OHADA. Ainsi, dès l’adoption des actes uniformes, le principe de la mise en route d’un droit commun des contrats est clairement posé.
Or, en l’état actuel, le droit commun des contrats dans les États membres de l’OHADA n’est pas aussi commun que cela est posé. Il est plutôt un droit pluriel et cela tient aux principaux textes à la base du droit positif des obligations dans l’espace OHADA que sont : le Code civil français dans sa version à l’aube des indépendances des pays de l’Afrique noire francophone en 1960, le Code sénégalais des obligations civiles et commerciales (COCC), issu de la loi du 10 juillet 1963, complété à plusieurs reprises depuis cette date, le Code civil de Guinée Conakry de 1983, le Code des activités économiques de Guinée Conakry de 1992, la loi malienne du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations.
Il y ainsi une diversité des textes sur le droit commun des contrats, selon que l’on se trouve dans un État ou l’autre de l’OHADA. Bien évidemment, le Code civil français dans sa version à l’aube des indépendances en 1960 est la sève nourricière des codes des obligations civiles et ou commerciales dans les pays de l’espace OHADA. Mais dans les pays tels que le Sénégal, le Mali, la Guinée Conakry qui ont adopté leur propre code, il n’est pas exclu que des dispositions des différents droits des obligations marquent des spécificités par rapport au code français de 1960. Une telle situation à des implications sur le droit commun des contrats applicable à la vente commerciale dans tel ou tel pays de l’espace OHADA.
Ceci n’est pas sans risque pour la prévisibilité du droit applicable et la sécurité juridique dans les contrats internationaux. Ces risques ne peuvent être évités que par l’adoption d’un droit commun des contrats commun aux États membres de l’OHADA.
Pour y arriver l’OHADA a déjà mis en route deux projets de réformes dont aucune n’a encore malheureusement aboutit. Il s’agit du projet Fontaine et du projet des professeurs Pougoue, Issa Sayeg et Sawadogo. Alors que le projet Fontaine s’appuie principalement sur l’ensemble du droit des contrats qu’il s’agisse des contrats civils ou des contrats commerciaux le projet des professeurs Pougoue, Issa Sayeg et Sawadogo étend la réforme non seulement aux contrats, mais aussi à la responsabilité civile à la preuve et à la prescription. Il s’agit manifestement d’un projet plus ambitieux.
On peut se réjouir que l’un ou l’autre de ces projets s’appuie sur l’adoption d’un droit commun des contrats vraiment commun aux États membres de l’OHADA. 
Mais l’autre exigence qui semble être oubliée est celle d’un droit des contrats spéciaux communs dans l’espace OHADA.
 
L’extension corrélative de la réforme aux droits des contrats spéciaux
L’exigence d’un droit des contrats spéciaux commun aux États membres de l’OHADA découle du traité de l’OHADA et de ses actes uniformes. Les dispositions de l’article 237 de l’AUDCG le précisent expressément pour la vente commerciale en ces termes « la vente commerciale est soumise aux règles de droit commun des contrats et de la vente qui ne sont pas contraires aux dispositions du présent livre ».
La vente commerciale en droit OHADA est ainsi soumise non seulement au droit commun des contrats, mais aussi droit spécial de la vente dans les États parties. Si l’on réforme le droit commun des contrats sans le droit des contrats spéciaux, on se retrouverait dans une situation dans laquelle un droit commun de contrats modernisé et identique dans les États membre va chevaucher un droit des contrats spéciaux dépassé et disparate. Cette situation va affaiblir l’efficacité économique du droit des contrats dans l’espace OHADA. 
Source : Actualités du droit